Paillage naturel des forêts, les feuilles mortes peuvent faire office de paillage d’appoint dans nos potagers. Combien de jardiniers passionnés de sol vivant se sont fait la remarque en passant devant un gros tas de feuilles « Tiens ! Cela ferait un bon paillage pour mon potager ».
À juste titre, nous verrons que cette ressource organique tombée des arbres est une mine d’or pour le sol, pour nos cultures. De plus les feuilles mortes sont un paillage gratuit… Néanmoins il faudra prendre plusieurs précautions, ne pas piller les forêts, savoir distinguer feuilles tendres et feuilles bien plus coriaces, éviter l’envolement et d’autres attentions encore.
Voyons tout cela dans les moindres détails.
Sommaire
Une ressource naturelle de fertilité pour les sols forestiers
Chaque année, ce sont deux cents grammes à un kilo de feuilles qui tombent dans chaque mètre carré de nos forêts.
Contenant de l’azote, du phosphore, de la potasse et bien d’autres oligo-éléments, ces feuilles sont une véritable nourriture pour les organismes du sol qui les décomposent. Cette décomposition libère des minéraux qui seront puisés par les racines des arbres. Avec les cadavres d’animaux (du sanglier à la bactérie), fruits, branchages morts, se forme une litière organique de grande richesse nourrissant des forêts entières.
Nos cultures potagères, elles, ont des besoins plus concentrés encore en minéraux et cela sur une plus courte durée (quelques semaines contre des années, des siècles, pour nos arbres).
Il serait illusoire de penser qu’un simple paillage de feuilles mortes pourrait nourrir à 100% nos cultures. Mais elles pourront grandement y participer. Ajoutons qu’elles auront un rôle de protection, d’abri pour toute une vie biologique nécessaire aux mécanismes de fertilité d’un potager biologique. Alors, voyons comment récupérer et utiliser les feuilles mortes dans notre potager..
Ne pas prélever toutes les feuilles mortes au même endroit
Les feuilles font partie d’un cycle naturel de fertilité. Il serait dommageable d’aller les récupérer entièrement sous un arbre et ne rien lui laisser. C’est sa future nourriture une fois ces feuilles décomposées et minéralisées dans le sol. Il est d’ailleurs condamnable d’aller récupérer des feuilles en forêt sur un terrain qui ne vous appartient pas.
Au contraire, le vent fait bien les choses et parfois vous aurez des amas de feuilles dans des recoins, là où la nature aura décidé de les entasser. Parfois elles seront éparpillées un peu partout sur votre bout de prairie, de pelouse. Dans ces cas-là, nous aurons la possibilité d’en récupérer une bonne partie sans causer de préjudices aux équilibres naturels.
Au potager d’Olivier : Plusieurs arbres agrémentent le terrain, des tilleuls, des érables, des fruitiers et autres arbustes ornementaux. Des platanes sont aussi sur un terrain voisin et selon le vent, bien des feuilles se retrouvent chez moi. Je les ratisse lorsqu’elles sont de trop sur la prairie ou sur l’espace de jeu des enfants. Mais surtout je récupère celles qui s’amoncèlent aux pieds de mes haies, dans les recoins, sous des arbustes, là où le vent les emmène. J’en laisse bien souvent une bonne moitié pour la vie biologique et l’autre moitié sera valorisée au potager.
Astuce : vous pouvez parfois récupérer des feuilles mortes à l’automne, auprès des employés communaux.
Les feuilles mortes en paillage au potager
La solution la plus simple pour valoriser les feuilles mortes sera le paillage.
Attention tout de même à distinguer les feuilles tendres des feuilles coriaces. Elles n’auront pas la même faculté à se décomposer et nourrir le potager. Les feuilles tendres contiennent peu de tanins, peu de lignine et sont très facilement digestes pour le sol. Elles seront idéales. Pour les distinguer, vous le verrez de vos propres mains. Si ça craque fort, que c’est costaud, épais, c’est qu’on est sur du coriace. Si c’est assez mou, qu’on peut facilement plier la feuille en deux, on est sur du tendre.
À titre indicatif, voici quelques espèces classées sur ce critère :
Feuilles coriaces en paillage
Hêtre, érable, chêne, châtaigniers, lauriers, platanes.
Les feuilles coriaces, contenant beaucoup plus de lignine, mettront souvent plus d’une année à se décomposer et solliciteront fortement l’azote contenu dans le sol. Elles forment un humus stable qui manque parfois de fertilité pour nourrir rapidement nos cultures potagères. On préfèrera les mettre en paillage aux pieds des framboisiers, fraisiers, autres cultures vivaces, arbustes fruitiers ou tout simplement au jardin, aux pieds des massifs floraux. Néanmoins, si l’on a que ça, elles feront l’affaire au potager.
Feuilles tendres en paillage
Aulne, Bouleau, charme, frêne, noisetier, noyer, orme, peuplier, prunier, robinier, saule, sureau, tilleul, érables, arbres fruitiers, arbustes d’ornement comme forsythia, cornouillers, hortensias
Les feuilles tendres, elles, se décomposeront en tout juste six mois et formeront un réservoir de richesse beaucoup plus facilement disponible pour nos cultures.
La cellulose qu’elles contiennent est plus facilement décomposable que la lignine. Le seul inconvénient sera un paillage plus éphémère. Mais au potager, on est avant tout dans un monde d’éphémère avec des cultures de quelques mois qu’il faut rassasier sur une courte, mais intense durée de vie. Ces feuilles, couplées à un sol humide, vont stimuler l’activité des organismes, l’activité bactériologique, favoriser une bonne texture de sol. Rapidement, des minéraux essentiels se rendront disponibles pour vos cultures potagères.
Durant les mois précédant une totale décomposition, les feuilles joueront les rôles habituels d’un paillage. Elles limiteront les herbes indésirables.
Elles atténueront les besoins d’arrosage en limitant l’évaporation de l’eau à la surface du sol. Enfin elles limiteront l’effet de battance, effet de tassement du sol sous de trop fortes pluies.
Le broyage des feuilles mortes
Vous le constaterez vite, transporter des feuilles c’est avant tout transporter de l’air ! La brouette est pleine et pourtant si légère. Le signe ne trompe pas, c’est qu’il y a beaucoup de vide.
Au contraire, sitôt humides, les feuilles auront tendance à se coller, s’agglutiner et faire comme une couche opaque peu oxygénée.
Si vous le souhaitez, vous pourrez les broyer une fois ratissées et entassées. Une simple tondeuse suffira. Les avantages sont multiples.
Vous obtiendrez des fragments beaucoup plus faciles à transporter, à déposer en paillage et beaucoup plus digestes pour la vie du sol. Enfin, un broyage évitera que vos feuilles ne s’envolent trop facilement sitôt une journée venteuse. Sinon vous pourrez toujours user de grillages d’appoints ou branchages pour retenir les feuilles au sol.
Quand déposer ce paillage au potager et quelle quantité de feuilles mortes utiliser ?
Comme tout paillage non vert, il est conseillé de déposer nos feuilles mortes bien en amont des cultures. Le temps que la vie du sol décompose cet apport de feuilles en minéraux. L’automne sera la période idéale.
Rien n’interdit de le faire au printemps ou en cours de culture, en plein été. Soyez simplement vigilant à une éventuelle faim d’azote, surtout si vous utilisez des feuilles coriaces en première couche.
Vous pourrez alors compléter vos apports avec un engrais naturel azoté libérant de l’azote rapidement et en quantité conséquente, ou plus simplement de la tonte.
Les feuilles coriaces, à déposer plutôt aux pieds des massifs, aux pieds des vivaces, seront déposées idéalement en hiver. Les quantités déposées sont souvent dépendantes de l’accès à la ressource. Tellement ce paillage est équilibré, on peut sans hésiter en mettre une très belle épaisseur d’au moins quinze centimètres. Au contraire des tontes qui sont trop humides, ou de la paille qui est très carbonée, ce paillage de feuilles (surtout les tendres) sera équilibré de lui-même.
Au potager d’Olivier : C’est à l’automne que je fais mes plus gros apports d’amendements et paillages en tout genre. Néanmoins, au printemps il me reste souvent bien des feuilles et il m’arrive d’en récupérer. Je les mets alors aux pieds de mes arbustes fruitiers. À l’automne, elles vont sur les parcelles du potager, mais il m’en manque énormément pour toutes les alimenter. Je tourne ainsi d’une parcelle à l’autre en déposant une bonne épaisseur de bien vingt centimètres. Sur mes dix-sept parcelles, tout juste trois ou quatre peuvent en bénéficier, et encore… Il me faudrait une forêt pour tout pailler ainsi !
Faire son compost de feuilles mortes
Le compost a de nombreux avantages. En premier lieu il concentre les minéraux et les rend assez rapidement accessibles pour nos cultures. Il structure le sol, allège les sols lourds, alourdis les sols légers. Sa couleur noire accélère le réchauffement au printemps. C’est un parfait allié au paillage.
Les feuilles mortes auront une double utilité.
Déjà elles pourront équilibrer un tas de compost qui est souvent trop humide de nos apports venant de la maison. Les restes de repas, épluchures, parties non consommées des cultures, sont souvent trop humides, trop molles, sans trop de structure et tendent à s’asphyxier dans un tas de compost.
Les feuilles mortes, plus encore celles coriaces, vont apporter du carbone, de l’air, de l’oxygène pour équilibrer ce tas et générer un fabuleux or noir. On raisonnera ainsi toujours dans un équilibre d’un tiers de feuilles pour deux tiers de déchets humides pour son compost. Et idéalement, on brassera un peu le tas, les nouveaux apports, pour toujours oxygéner l’ensemble et obtenir le meilleur résultat qu’il soit.
Aller plus loin avec notre article sur le compost
Faire du terreau de feuilles mortes
Autre façon de valoriser vos feuilles, les transformer en terreau maison. Quand on voit le prix des terreaux du commerce avec en plus, souvent l’utilisation de tourbe et le débat écologique que cela sous-entend, autant ne pas se priver de faire son propre terreau.
Les feuilles se suffiront d’elles-mêmes si ce n’est d’y ajouter l’élément clé qui nous entoure quand on jardine sur sol vivant : l’eau.
Pour faire votre terreau de feuilles mortes :
• Commencez par entasser des feuilles bien humides, par exemple après une bonne pluie. Vous aurez beaucoup plus d’efficacité encore en les broyant.
• Une fois mises en tas, il suffira de faire preuve de patience. Si le tas vous paraît un peu sec, n’hésitez pas à arroser correctement. Vous pourrez le brasser quelques fois si vous le souhaitez.
• Vous pouvez éventuellement recouvrir le tas avec de la tonte, du foin, pour empêcher les feuilles de trop s’envoler tout en laissant passer la pluie.
• Une bonne année plus tard, vous aurez un très beau terreau qui pourra faire office de terreau à semis. Les tanins auront disparu et les graines y germeront sans aucune contrariété 🙂
Des analyses quantitatives en minéraux montrent une richesse assez faible, mais non négligeable dans les feuilles mortes. (environ 0.6% d’azote, 0.2% de phosphore et 0,5% de potasse).
Mais justement les terreaux à semis n’ont pas besoin de grande richesse minérale. Les graines ont tout en elles pour bien germer.
Au contraire, si vous souhaitez utiliser ce terreau pour du rempotage, faire grandir des plants, il vous faudra l’enrichir avec des apports plus concentrés, comme du sang séché (14% d’azote, bien supérieur à la concentration en richesse du terreau de feuilles), de la corne broyée, de l’urine.
Utiliser des feuilles malades au compost ou au jardin ?
Il faut être prudent avec les risques de propagation de maladies, surtout entre plante de la même famille, de la même espèce. Mais pour les mélanges inter espèces, il n’y a aucun problème 🙂
Par exemple pour les fruitiers, la tavelure du pommier ne sera pas transmise aux tomates. La cloque du pêcher n’atteindra pas vos courgettes. Et ainsi de suite. Ce n’est donc pas grave de mettre des feuilles malades au potager.
Et méfiez-vous, parfois la nuance est subtile : l’oïdium du rosier ne se transmettra pas à vos courges et courgettes. Bien qu’ayant un nom générique, « l’oïdium » regroupe une multitude de champignons différents qui ne s’attaquent pas toujours aux mêmes plantes.
Si vous le souhaitez, vous pourrez tout de même passer par la case « compost ». Le temps et l’activité biologique vont faire le travail nécessaire pour assainir le tas de feuilles. Idéalement, couplez vos apports avec des déchets humides, de cuisine, des tontes, pour accélérer plus encore la décomposition et obtenir un compost de qualité pour le potager.
Guillaume : J’ai déjà mis toutes sortes de feuilles mortes au potager. Et je n’ai jamais remarqué une recrudescence de maladie particulière.
Difficile de le voir sur seulement quelques saisons, mais bon, je ne fais pas trop attention aux feuilles malades, elles partent en paillage ou au compost, en fonction des envies du moment 😉
Vous comprenez maintenant la richesse naturelle que représente cette couverture brune, orangée, que l’on voit se dessiner tous les automnes dans la nature. Retenez qu’elle est nécessaire à l’équilibre des forêts et qu’il en reste néanmoins pour agrémenter nos potagers. Le sol s’en retrouvera protégé, nourrit, amélioré de toutes ses fertilités. Encore une carte en main pour perpétuellement continuer à prendre soin de notre sol, notre terre.
Aller plus loin avec un article pour tout savoir sur le paillage au potager
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Bonjour,
Les feuilles mortes c’est extraordinaire pour couvrir le sol à l’automne !
Pour la première fois, l’automne dernier j’ai ramassé toutes les feuilles de mes nombreux noisetiers, le kaki a également beaucoup de feuilles très larges, les noyers… érables, tilleul, châtaigner… et en plus, une amie m’a dit qu’elle portait plein de sacs de feuilles à la déchèterie, mais elle était ennuyée car elle n’avait pas le droit d’en porter plus de tant de voyages par semaine, alors je lui ai dit, portes les-moi ! Il y avait des feuilles de poiriers, de pommiers, de peupliers… Une mine d’or !
Et toutes ces feuilles ont fait un magnifique travail, une bonne couverture qui maintenant est presque toute dévorée par le sol, je n’ai qu’a gratter un peu et la terre est prête !
Tiens, hier, j’ai planté des pommes de terre, c’était génial !
Bonjour, merci pour votre article très intéressant. Petite question : est ce que les feuilles de bambous feraient l’affaire. Bonne journée à tous
Tout à fait vous pouvez utiliser les feuilles mortes de bambous en paillage 😉
Très intéressant merci. Vos articles sont très complets, félicitations.
J’utilise les feuilles de ma châtaigneraie, des chênes, tilleuls … Pour le paillage je privilégie les fougères au printemps. Pour les châtaigniers je les mélanges avec les fientes des poules pour rajouter de l’azote, même si je n’en ai pas trop besoin. Beaucoup d’orties qui servent aussi au paillages et à l »alimentation. Je coupe aussi de l’herbe pour en faire du foin pour la litère des poules
Quand mes voisins à l’automne sortent leur bac pour le ramassage des déchets verts, je regarde le contenu des bacs avant le passage du camion et très souvent j’en trouve certains remplis uniquement de feuilles, je récupère le contenu pour mon jardin 🙂
One man’s trash is another man’s treasure comme on dit en anglais.
Bonjour, on a des murs de façades recouverts de vignes vierges à feuilles de trois pointes « magnifiques « 😊
En ce moment les feuilles tombent à grande vitesse.
Est ce que je peux pailler les parcelles avec les feuilles et rajouter le reste dans les composteurs.
Merci pour votre éclairage.
Bien à vous
Bjr, est ce que les feuilles d’artichauts peuvent se Mettre sur le jardin? Merci d’avance
Oui bien sûr !