Protectrice, nourricière, facilement accessible, la paille utilisée en paillage offre de multiples avantages pour notre sol potager. On la retrouve ainsi souvent au pied des courgettes, courges, tomates, fraisiers… jouant tout autant un rôle protecteur qu’esthétique à parer le sol d’une belle couleur dorée. Seulement la paille souffre aussi d’inconvénients et mérite dans bien des cas d’être couplée à d’autres apports pour espérer des récoltes abondantes.
Voyons en détail comment gérer au mieux cette ressource organique dans nos potagers 🙂
Sommaire
La paille en paillage : durable et protectrice
La paille est un résidu de culture de céréales, notamment de blé, lin, avoine, orge… pour ne citer qu’elles.
Elle servira essentiellement de litière pour les animaux, parfois pour les nourrir. Elle a la caractéristique d’avoir une structure très sèche, ligneuse, dure, cassante, carbonée. Cela en fait une matière durable qui mettra plus d’une saison à se décomposer. À l’opposé de la tonte ou quelconques végétaux bien verts qui disparaîtront sous quelques semaines, quelques mois au mieux. Cette durabilité, couplée au fait que l’on puisse en mettre une épaisse couche, va procurer une très belle protection pour votre sol.
Sous vingt centimètres de paille, la terre sera protégée. Protégée de trop de soleil, du vent, d’une pluie trop violente, du froid en hiver. La vie du sol s’y plaira plus encore pour se démultiplier. Avec un risque nul de fermentation, de putréfaction, c’est un paillage que l’on pourra apporter sans retenue… Si ce ne sont les contraintes de logistique à devoir la transporter, la stocker, la répandre.
Combien de jardiniers ont des souvenirs à pleurer de désespoir à voir leur voiture et leurs habits à peine reconnaissables avec des débris de paille en tous sens ! Pour cela, une remorque vous sera fort utile ou sinon trouvez un agriculteur qui acceptera gentiment de vous livrer. Ou tout simplement protéger votre voiture avec une bâche. 😉
Rapport C/N de la paille et faim d’azote
Beaucoup de jardiniers pensent que la paille se suffit à elle-même. Hop ! Une épaisse couche et le potager nous offrira l’abondance pour la saison à venir. D’ailleurs certains auteurs jouent sur cet aspect en vantant trop vite la paille comme une solution miracle. C’est faire bien trop de raccourcis et manquer de mise en garde. Même si cela est possible dans certains contextes (vous êtes chanceux !), ce n’est pas partout le cas.
La paille est un paillage très carboné
Il faut déjà savoir que la paille est très carbonée. Cela veut dire qu’elle contient des molécules complexes, difficiles à décomposer. Elle va ainsi fortement solliciter la vie du sol pour être décomposée. Son rapport C/N tourne autour de 100. C’est énorme et pour comparaison l’herbe a un rapport autour de 10.
Il faudra que ça grouille en dessous, que ça se démultiplie, que ça s’active à tout va pour manger chaque brin. Cette énergie est mesurée scientifiquement et correspond à 4g d’azote consommé dans le sol pour déchiqueter un mètre carré de vingt centimètres de paille (les organismes du sol, pour décomposer la paille, réquisitionnent de l’azote pour se démultiplier).
En savoir plus : ‘Combien d’azote risque d’être mobilisé pour la décomposition des pailles ?‘
C’est considérable et presque autant que le besoin de bon nombre de cultures potagères. Elles aussi ont besoin d’azote pour croître, bien se développer ! Ce constat est donc problématique sachant que l’azote est la grosse ressource limitante d’un potager.
C’est le risque de faim d’azote. Ce phénomène a l’avantage de s’estomper avec les mois et même de devenir à terme bénéficiaire. Une fois la paille décomposée à moitié, la vie du sol commence à se mourir. L’azote se libère dans le sol en plus grande quantité encore, jusqu’à un nouvel apport… On rentre ainsi dans un cercle vertueux. Mais ce cercle n’est jamais garanti d’avance.
Il faut un contexte idéal de sol, de climat, d’humidité, de température, d’activité biologique. Alors nourrir son sol uniquement avec de la paille est fort ambitieux et souvent illusoire… Même si dans certains contextes cela peut fonctionner. Sinon, vous pensez bien que tout jardinier s’empresserait de camoufler son sol sous vingt centimètres de paille. Considérons que ce paillage aura surtout un rôle de protection. Et tant mieux si à terme elle permet de nourrir plus encore notre sol.
Aller plus loin avec notre article sur le rapport carbone/azote et la faim d’azote
L’importance de diversifier vos paillages
Pour contrecarrer cette éventuelle faim d’azote, vous devrez compléter vos apports de paille avec des matières bien plus humides, azotées, cellulosiques, qui raviront le monde des bactéries. On pourra penser à l’urine, au sang séché, à la tonte. Mais aussi aux résidus de cuisine à déposer en surface, aux restes de cultures, à des paillages végétaux verts, tendres, mous. Ces apports seront rapidement assimilables et libérant plus d’azote qu’ils n’en consomment.
La paille, amendement et structure de sol
Faute de nourrir le sol à court terme, étant trop carbonée, la paille jouera un rôle d’amélioration de la structure du sol. C’est le cas de toute matière fortement carbonée qui offre la possibilité à longue échéance de créer de l’humus, formidable liant du sol et réservoir de richesse pour les années futures.
• Avec un sol extrêmement actif biologiquement, il suffira de déposer la paille en surface. Les macroorganismes, champignons, bactéries se régaleront d’incorporer et humifier tout cela sur les premiers centimètres, à leur rythme.
• Sur un sol compact, dur, mal texturé de trop d’argile, il sera conseillé de l’aider mécaniquement et incorporer légèrement le paillage. On pourra au passage rajouter des composts plus ou moins grossiers pour relancer plus encore la fertilité physique, biologique et chimique. Néanmoins, en enfouissant la paille, on augmente plus encore le phénomène de faim d’azote. Alors vraiment, opérez cet apport à l’automne, loin des mises en culture de vos parcelles. Et si vous souhaitez une bonification encore plus rapide de tout ce carbone, n’hésitez pas à ajouter un apport azoté. De la tonte, de l’urine, du sang séché ou autre.
Prix attractif, mais souvent non bio
Pas chère…
Avantage non négligeable, la paille étant un résidu de grandes cultures de céréales, elle se trouve souvent à des prix fort accessibles. Même si elle est parfois utilisée pour de l’isolation, pour des murs en « terre-paille » ou pour certains carburants, elle reste très accessible et les ressources sont énormes.
2€ la botte de 25 kilos est un prix courant. Et avec une botte, vous pourrez déjà pailler une bonne dizaine de mètres carrés. Comptez néanmoins des coûts cachés comme le transport, l’énergie, le temps, la logistique que tout cela demande. C’est pourquoi nous vous conseillons de faire avec le paillage le plus accessible localement et s’éviter de traverser tout un département pour aller acquérir une botte. Réfléchir à la durabilité de ses pratiques est très important en jardinage naturel.
Mais souvent issue de cultures conventionnelles
Souvent, on trouvera de la paille non bio. Il y aura alors des éventuels résidus de pesticides. Les doses sont infinitésimales. Mais si on le souhaite, on peut rajouter d’autres barrières sanitaires pour tendre vers la précaution ultime. C’est encore mieux !
Prenez le temps de stocker votre paille quelques semaines, quelques mois. Sachant que des résidus éventuels de pesticides se dégradent avec le temps. Pensez qu’il faudrait ensuite que ces résidus aillent dans votre sol potager, qu’ils soient absorbés par vos cultures, qu’ils se retrouvent dans votre assiette, qu’ils se retrouvent dans votre corps… La route est tout de même longue avant d’imaginer un quelconque risque à pailler son potager avec une paille non bio.
Pour les plus sceptiques, avec de la volonté, peut-être vous arriverez à trouver un céréalier bio. Et au pire : il existe de nombreux autres paillages, tous aussi intéressants !
Les risques et désavantages de ce paillage
En plus d’une faim d’azote, apporter de la paille peut générer quelques déconvenues.
Les rongeurs vont trouver un hôtel quatre étoiles pour s’y loger, se mettre à l’abri. La diversité biologique va se démultiplier et avec elle, les limaces ! La paille est souvent couplée à une philosophie de non-travail du sol et les œufs, larves, se retrouvent à l’abri de tout danger et ne sont nullement bousculés. Certes on lit souvent qu’une autorégulation arrive les années passant. Mais combien de jardiniers témoignent d’expériences contraires.
C’est une invasion de limaces sitôt une période humide juxtaposée à un sol bien paillé. Alors anticipiez, jouez de multiples méthodes pour réguler au mieux une trop forte densité de ravageurs au mètre carré. Pour limiter cette invasion de limaces à venir, on peut dépailler dès les premières journées sèches du printemps et gratouiller la terre en surface. Les œufs de limaces se retrouveront à nu et se dessècheront en partie. Cela permet de limiter le phénomène si on laisse le sol ainsi durant quelques jours, semaines.
Aller plus loin avec notre article « En finir avec les limaces au potager ? »
Autre désavantage, celle de semer dans un épais paillis. Il vous faudra ouvrir tant bien que mal des sillons. Sauf que la paille aura tendance à prendre de la place de tous les côtés !
Dépailler dans cette situation semble une situation bien plus pratique et productive. Vous serez toujours à temps de repailler une fois la culture avancée. Sans parler du fait que des jeunes semis seront plus convoités encore par les ravageurs.
Combien de jeunes pousses de choux, épinards, navets, carottes n’ont jamais vu le jour à se faire dévorer sitôt les plantules sorties de terre. Alors, ayez fortement conscience de ces désagréments faute de perdre toute motivation à faire du potager…
Et jardiner sans paille ?
Pas de panique et même bien au contraire nous pourrions presque dire. Le monde du potager est un monde avant tout de bactéries, d’azote disponible, de croissance à tout va, de cultures qui demandent du sucre rapide pour se développer sur quelques semaines. Alors, régalez-vous d’apports diversifiés en tout genre. Résidus végétaux, composts grossiers de fumiers, résidus de cultures, résidus ménagers, parfois des engrais organiques comme la cendre, l’urine, le sang séché, la poudre d’os…
Oui la paille sera plus carbonée et jouera un rôle structurant sur le long terme. Mais un sol constamment en culture et nourri de végétaux diversifiés sera déjà un merveilleux substrat.
Par ailleurs, rien ne vaut des racines de plantes vivantes pour entretenir la porosité et la fertilité d’un sol. Alors plutôt que de chercher absolument à pailler, vous pouvez ensemencer toute la surface du potager avec des semis divers. C’est le concept de couvert végétal ou de paillage vivant.
De plus, pensez aux autres paillages. Foin, feuilles mortes, tontes, BRF, broyat, qui eux aussi ont un rôle intéressant à apporter au potager.
Témoignages
Au potager d’Olivier : Parfois il m’arrive d’utiliser de la paille. Mais j’avoue ne voir dans ce paillage qu’un rôle protecteur. Trop souvent j’ai été déçu de ne voir aucune amélioration suite à des apports massifs et cela sur des années. Je pense manquer d’un sol suffisamment bien texturé, actif biologiquement pour optimiser au mieux ce paillage. La paille se fait simplement décomposer en surface et se volatilise sans vraiment créer d’humus. Alors je couple cet apport avec bien d’autres. Des résidus de cultures, de la tonte, du broyat, des feuilles, des composts en tout genre… Et parfois des engrais organiques pour répondre aux cultures les plus gourmandes.
Avec ma grelinette, j’incorpore délicatement ces matières organiques aux premiers centimètres de sol. Avec cette multitude d’apports et cette aide mécanique, les résultats sont là et les récoltes abondantes.
Concernant mon approvisionnement, je troque avec des domaines voisins contre un panier de légumes. Parfois il m’arrive de me dépanner à la pépinière du coin. Mais le prix est, je trouve, exorbitant. Il faut compter plus de 6€ la botte. Je ne rechigne pas à la dépense, mais vu ma surface à pailler, cela représente vite un coût non négligeable.
Guillaume : j’ai utilisé un peu de paille au jardin. Pas suffisamment pour avoir un retour concret sur le sujet mais assez pour vous dire que j’ai bien aimé l’utiliser. Elle garde très bien l’humidité. Notre sol sableux de l’époque réagissait très bien à ces apports. Je déposais parfois une première couche de tonte sous la paille. Ceci afin de permettre aux organismes du sol d’avoir un peu d’azote à se mettre sous la dent avant de se les casser sur la paille ! Je m’en suis également servi pour faire des coffrages de couche chaude.
Utiliser son paillage de paille pour une autre production ?
Si vous paillez votre jardin avec de la paille, pourquoi pas ne pas tenter de produire des champignons en même temps ? C’est ce que font quelques personnes et cela peut très bien fonctionner ! 🙂
Notamment avec les strophaires, plus communément appelés « Cèpes de paille ». C’est un excellent comestible qui peut se développer au potager, au pied de nos cultures.
Pour cela, il suffira d’acheter du mycélium de King Stropharia ou strophaire à anneau rugueux. C’est le plus courant. Vous pourrez ensuite inséminer votre paillage avec le mycélium en suivant les instructions du vendeur. Quelques mois à un an plus tard, vous devriez récolter vos premiers cèpes de paille.
À vous d’avoir les bonnes réflexions sur le choix de votre paillage. Nous espérons que cet article sur la paille vous aura aidé à y voir plus clair.
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Allez plus loin avec notre article sur le paillage au potager et apprenez à mieux appréhender les différents paillages et leurs utilités.
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