Croyance populaire ou réalité : peut-on utiliser les feuilles du noyer en paillage au potager ? Nous revenons sur cette question et nous pouvons déjà vous donner une réponse : vous pouvez vous servir des feuilles de noyer en paillage au potager, tout en gardant quelques précautions en tête. Bonne lecture !
Sommaire
Une histoire ancienne
On cultive le noyer en Europe depuis le Moyen-Âge. On retrouve même du pollen de noyer fossilisé datant de 126 000 ans en Europe ! Nous l’apprécions particulièrement pour sa générosité et ses rendements intéressants sans trop d’entretien. Pourtant, ce bel arbre n’a pas toujours eu bonne réputation. Pendant longtemps, le noyer a été considéré comme “le salon des dames aux sorcières” où ces dernières venaient bénéficier de l’ombre prodiguée par l’arbre. Il porterait d’ailleurs malheur de dormir sous un noyer… sans preuve à l’appui ! 😀
Si le noyer est pointé du doigt en jardinage, c’est qu’il contient de la juglone… Une molécule chimique anti germinative voire mortelle pour certaines plantes. Mais vous découvrirez à la lecture que les doses normales sont très faibles et que cet effet est quasi inexistant sur nos plantes potagères.
La juglone, qu’est ce que c’est ?
La juglone est une molécule chimique que l’on retrouve dans le noyer, des racines au bout des feuilles. Elle est présente en grande quantité dans les jeunes pousses et disparaît presque dans les vieilles feuilles et les feuilles mortes.
La juglone est considérée par de nombreuses plantes comme cytotoxique. C’est-à-dire qu’elle inhibe totalement le développement de certains végétaux ou êtres vivants.
On retrouve des usages anciens de la juglone chez les Romains, les Grecs et dans les anciennes civilisations d’Amérique du Sud.
Ils s’en servaient pour empoisonner les poissons et faciliter la pêche. Elle a ce même effet sur un grand nombre d’insectes herbivores.
En définitive, la juglone est considérée comme une substance allélopathique : elle influence négativement la croissance des plantes, mais en vérité, seulement certains végétaux y sont sensibles. Elle possède aussi des effets anti bactériens. On l’a utilisé pendant longtemps pour soigner les maladies de peau.
En réalité, les études modernes ont démontré que cette molécule est un inhibiteur de la respiration des plantes. La juglone empêche les plantes de transformer le CO2 en oxygène de façon adéquate.
Les effets de la juglone
Sur certaines plantes comme la tomate, les chercheurs canadiens ont cherché à comprendre l’impact de la juglone sur nos potagères. Dans le cas des tomates par exemple, la juglone obstrue les vaisseaux du xylème (partie ligneuse de la tige), dans lesquels circule la sève.
Lorsqu’une plante est atteinte par la juglone, son intoxication peut se manifester de plusieurs façons. Le cas le moins grave : un arrêt temporaire de la croissance végétative. On peut aussi observer un flétrissement total ou partiel des plants touchés voire la mort du végétal.
En général, cette réaction se produit rapidement, au bout de deux ou trois jours, les principaux symptômes sont visibles. La gravité de ces symptômes varie en fonction de la concentration de juglone, mais aussi en fonction de l’espèce de végétal en contact avec la molécule. Rassurez-vous : vous n’observerez jamais ça dans votre potager, à moins de plonger vos plants dans un macérat de jeunes pousses de noyer !
Noyer noir et noyer commun : pas les mêmes conséquences lors de l’utilisation en paillage ?
Les noyers font partie de la famille des Juglandaceae. Parmi les cultivars de cette famille, on retrouve notamment le noyer noir, le noyer commun, le pacanier… et ils comportent des taux de juglone très variables. On la trouve surtout dans le noyer noir en quantité et très peu dans les espèces de noyers communs qui sont cultivés eu Europe. Certains noyers communs sont greffés sur du noyer noir d’Amérique. On y retrouvera donc une quantité de juglone plus importante. Cependant, ce type de greffe reste très rare en France.
Par ailleurs, la juglone se développe au bout de quelques années chez les noyers. On considère qu’elle prend 6 à 7 ans pour se retrouver en quantité importante dans toutes les parties de la plante.
Enfin, il est important de souligner que le noyer possède un système racinaire très développé. En effet, on estime que ses racines prospectent 15 à 18 mètres autour de l’arbre. Ce maillage racinaire participe aux difficultés de certaines plantes d’y pousser au pied. La juglone n’est donc pas forcément le seul problème lié à la croissance de nos végétaux : c’est plus souvent le simple fait de cultiver à proximité d’un grand arbre qui causera des soucis de croissance.
Des plantes plus ou moins sensibles aux feuilles de noyer
Si certaines plantes sont sensibles à la juglone, d’autres n’y sont pas plus que ça. Le ministère de l’Agriculture québécois a fait de nombreuses études sur les impacts de la juglone sur les autres végétaux. Voici un tableau, non exhaustif, des plantes qui ne sont pas gênées par cette molécule ainsi que celles plus sensibles. Vous trouverez d’avantages de variétés dans cet article du ministère de l’Agriculture québécois.
Plantes sensibles à la juglone | Plantes tolérantes à la juglone |
Asperges | Asiminier |
Aubergines | Aubépine |
Choux | Betterave |
Myrtille | Blé |
Pivoines | Chêne |
Pommes de terre | Haricot |
Tabac | Iris |
Ronces | Oignons |
Tomates | Rosiers |
Rhododendron | Vigne |
Poivrons et piments | Panais |
De façon générale, les plantes poussant sur les sols acides n’apprécient pas la compagnie du noyer. En réalité, avec le noyer commun, les risques restent très minimes et nous avons peu de retours de véritable échec de culture dû à la juglone.
Les feuilles de noyer en paillage au potager
Si vous avez accès à de grandes quantités de feuilles de noyer, c’est une chance ! Vous allez pouvoir les valoriser de plusieurs façons, dont en paillage.
Pour éviter les effets nuisibles de la juglone au potager, privilégiez un apport à l’automne. Ainsi, les feuilles auront tout l’hiver pour se transformer en humus. En effet, les restes de juglone se lessivent rapidement, on considère qu’il n’en reste quasiment plus au bout de deux à trois semaines. Les pluies et la vie bactérienne du sol rincent et digèrent cette molécule.
Par ailleurs, si vous souhaitez obtenir un paillage équilibré, vous pouvez ramasser vos feuilles à la tondeuse ! En effet, cette pratique a plusieurs avantages : elle permet de ramasser rapidement vos feuilles, de les broyer pour accélérer le processus de décomposition, mais aussi d’incorporer de la tonte, une matière très azotée dans votre paillage.
Au printemps, il ne restera plus qu’un fin tapis d’humus, prêt à planter.
Aller plus loin : lire notre article sur les feuilles mortes en paillage
Compostez vos feuilles de noyer ou les utiliser en paillage ?
Pour écarter tout risque de votre potager, vous pouvez passer les feuilles de noyer par la case compost. Une fois compostée, la juglone n’est plus du tout présente dans votre substrat.
Une équipe de l’Université de l’Ohio s’est posé la question avec les Noyers noirs d’Amérique (on le rappelle, ce sont ceux avec le taux de cytotoxine le plus élevé). Suite à leurs études, ils en ont conclu que la juglone disparaît totalement au bout de quelques semaines au contact de l’air, de l’eau et des bactéries.
Si les feuilles sont passées par la case tondeuse, ce processus sera encore plus rapide ! Ce compost de feuille sera d’aussi bonne qualité que celui avec n’importe quelles feuilles. Par ailleurs, notez que le broyat de noyer et les résidus de coquilles de noix prennent plus de temps à se composter. Ainsi, on recommande de les laisser se dégrader pendant 6 mois avant de les utiliser au potager.
Conclusion sur les feuilles de noyers en paillage pour le potager
Pour conclure, nous l’avons vu, nos noyers européens ne contiennent que très peu de juglone. Et quand bien même on en trouverait en quantité dedans, elle se décompose et disparaît en quelques semaines.
Donc les feuilles de noyers ne sont pas à bouder pour le potager. Vous pouvez les utiliser en paillage ou en compostage. Pour la plupart des noyers cultivés en France, vous pouvez aussi cultiver directement en dessous ! N’hésitez plus, valorisez ce déchet au potager.
Vous avez eu des expériences positives ou négatives avec les feuilles de noyer, n’hésitez pas à nous en faire part en commentaire. Merci !
Aller plus loin : lire notre article sur le paillage au potager
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Bonjour,
Merci d’avoir fait la lumière sur ce sujet. Toujours très instructif ce genre d’article pour s’y retrouver plus facilement dans une forme de croyance populaire quand celle-ci n’est pas suffisamment nuancée.
Pat
Bonjour, sous mon noyer vieux d’environ une centaine d’année pousse un grand carré de framboisiers donnant jusqu’à 15 à dix-huit kilos de framboises. Ils sont là depuis une trentaine d’année et le carré ne cesse de s’étendre tout en restant compact.
M. K
Bonjour, avez-vous de l’expérience dans l’usage des coquilles de noix ? Nous consommons beaucoup de noix mais justement je n’osais pas m’en servir au potager, ayant en tête l’idée d’une éventuelle toxicité. Par ailleurs je pense que c’est trop carboné pour pailler mon potager, j’ ai fait quelques essais et ça semblait ne jamais se décomposer…