Le paillage est une pratique de plus en plus répandue dans les potagers. Les avantages sont nombreux avec une protection du sol face aux excès de chaleur, un maintien de l’humidité, une gestion efficace des herbes indésirables, une nourriture apportée pour la vie du sol qui va se démultiplier et rendre ce sol plus fertile encore.
Seulement la question se pose de savoir quel paillage apporter ? Vous êtes très nombreux à nous demander notamment quel paillage choisir entre foin et paille ?
Ces deux matières organiques, d’apparence assez similaire, sont pourtant bien différentes. Voyons dans cet article ce qui va les différencier, pourquoi choisir l’une ou l’autre en fonction des finalités recherchées par le jardinier.
Sommaire
Différences entre le foin et la paille en paillage
La paille : paillage carboné
La paille est très carbonée, bien plus que le foin. On parle d’un rapport carbone/azote autour de 100. C’est ce qui fait qu’elle est rigide, solide, qu’elle a du corps, de la texture, de la solidité. L’avantage d’un tel rapport de carbone élevé, c’est qu’on a ici une matière durable, lente à se décomposer, qui fera office de paillage durant des mois et des mois, parfois même des années selon le climat, l’humidité.
Sous un autre aspect, l’incidence d’une matière si carbonée sur le sol est non négligeable. Toutes ces molécules de carbone, pour se décomposer, demandent à court terme une énergie qu’il faudra puiser dans le sol, notamment de l’azote. Sauf que l’azote est une nourriture première pour nos cultures. Vous vous doutez vite de la concurrence qui va se présenter. Vos plants de choux, tomates… vont chercher une ressource en azote qui aura mobilisé en partie par cet apport de paille. Le sachant, des jardiniers avertis savent gérer cet aléa. Soit en apportant des apports azotés comme de l’urine, du sang séché, des composts, des farines de poissons, du guano… ou encore de la tonte de prairie qui elle au contraire a une proportion de carbone très faible.
Mais alors, pourquoi apporter ce paillage si carboné si nos cultures réclament de l’azote ?
Parce que si le carbone n’est pas forcément utile à nos cultures, il est utile à notre sol ! Cet atome de carbone engendre des molécules complexes, des molécules organiques qui structurent le sol, forment de l’humus, retiennent les minéraux lors de pluie (notamment l’azote !). Un sol rempli de matières organiques complexes sera plus spongieux, plus actif biologiquement, comme un réservoir fertile rempli de minéraux nourrissant petit à petit nos cultures. Alors premier point important, retenez que la paille provoque à court terme une potentielle faim d’azote mais qu’elle est source de durabilité, de paillage protecteur et d’humus. À noter aussi qu’à moyen terme, cet effet dépressif d’azote s’estompe et au contraire devient positif. Ainsi, si vous le pouvez, amener la paille bien en amont des cultures, plusieurs mois avant.
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Le foin : paillage équilibré
Le rapport carbone est tout autre, autour de 30. On parle d’ailleurs d’un rapport idéal parce qu’il puisera juste ce qu’il faut d’énergie dans le sol pour se décomposer sans créer d’effet dépressif. Oubliez la faim d’azote. Il pourra se suffire à lui-même si vous le disposez sur un sol capable de bien le digérer. Une approche du potager par le foin, la phénoculture, est plébiscitée par un ingénieur agronome, Didier Helmstetter, auteur du livre « le potager du paresseux ». Il témoigne une expérience de potager à le nourrir exclusivement par le foin sans compost, sans engrais, sans autres apports. À notre qu’il part d’un bon sol de prairie et c’est une condition importante sur laquelle il faut s’attarder.
Ce foin, comme la paille, ne sera valorisé que par un sol capable d’en faire bon usage. Comme une assiette de repas qui ne pourra être mangée, transformée en énergie que par un adulte en bonne santé avec un bon estomac. N’allez pas donner un steak et des pâtes à un nourrisson avec un estomac encore non développé.
Pareil pour un sol, sans vie, compact, sec, qui ne saura que faire de foin ou paille. Paillage et sol ne doivent faire qu’un, l’un doit pouvoir être ingurgité par l’autre. Alors, prenez le soin si nécessaire de décompacter, d’humidifier, d’ajouter du compost si vous voulez que votre paillage se transforme au mieux en fertilité pour votre potager. Pailler un sol « mort », c’est assurément avoir un paillage qui se fera décomposer par des bactéries ambiantes et qui finira par disparaitre, volatiliser par le vent, le temps. Ainsi, avec le foin sur un bon sol, idéalement de prairie, humifère, vous apporterez de quoi nourrir vos cultures une fois celui-ci décomposé. On parle d’un bon apport annuel, bien 15/20 cm de foin en paillage.
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La durabilité du paillage : différence entre paille et foin
Avec une proportion de carbone plus conséquente, la paille va logiquement durer plus longtemps. Les molécules sont plus complexes, rigides, difficiles à décomposer. On le voit en la prenant en pleine main. Elle est plus rigide que le foin qui lui, donne une sensation de souplesse. Tout cela résulte de la proportion de carbone.
C’est un avantage pour un inconvénient. Un avantage parce que le paillage sera donc durable, sur plus d’une année. Un inconvénient parce que nous l’avons vu, il faudra beaucoup d’énergie pour décomposer ce rapport carbone/azote élevé. Il en résulte une disponibilité en minéraux très faible pour les cultures, une disponibilité très lente.
On parle de plusieurs années pour qu’un paillage de paille soit entièrement assimilable par nos cultures, une fois le travail de l’activité biologique effectué. Combien de jardiniers se sont retrouvés avec des cultures toutes maigrichonnes à ne vouloir jurer que par le paillage de paille ! Cela parce que le sol n’a pas eu le temps, ou n’a pas été capable de valoriser un tel apport.
On est ici à l’opposé d’un apport d’urine par exemple. Celui-ci sera disponible pour les cultures sous quelques jours, semaines.
Plus fou encore avec un engrais chimique disponible quasiment immédiatement pour les cultures. Avec la paille, c’est en mois, en année qu’il faut raisonner !
Il faut le voir ainsi comme un sucre lent, très lent pour un effort continu, pour renforcer notre sol. C’est pourquoi d’ailleurs de nombreux jardiniers complètent ce sucre lent avec des sucres rapides tels que les engrais naturels, purins, guanos, fientes, urine…
Le foin, lui, durera tout juste quelques mois. Il se fait « digérer » bien plus vite par la vie du sol. C’est à se demander parfois où il est passé quand on voit des photos de son potager quelques mois auparavant, tout joli de ce paillage doré. Et puis plus rien ! Tout est gloutonné, décomposé par l’activité biologique. La durabilité d’un paillage de foin sera donc deux fois, trois fois moins conséquente qu’un paillage de paille. On en revient encore et toujours à ce rapport carbone/azote qui explique la chose.
Alors à vous de voir si vous cherchez la durabilité ou la rapidité du paillage à se faire décomposer et à se rendre disponible pour nourrir nos cultures.
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Coût et disponibilité des paillages : foin ou paille ?
Autre critère important pour choisir entre foin et paille, le coût parfois élevé et la disponibilité parfois rare. La paille est un résidu de récolte, que ce soit récolte de blé, d’avoine, de seigle, de céréales plus globalement. Alors que le foin est une ressource et non un résidu, si ce n’est parfois le résidu de nos tontes que l’on pourra laisser sécher. Sinon, c’est une ressource que l’on crée en laissant l’herbe pousser dans des champs pour la faucher, la sécher, la balloter avec pour finalité première de nourrir les animaux. En période de sécheresse, cette ressource se fait rare et des agriculteurs ont parfois du mal en trouver pour nourrir le bétail.
D’où la question de prendre le luxe de s’en servir pour pailler le potager ? Cela ne serait-il pas plus ingénieux de pailler avec la résultante du foin pour les animaux, à savoir un fumier ? C’est ce que font les jardiniers depuis la nuit des temps.
Le foin sera ainsi plus rare et plus cher que la paille qui elle est beaucoup plus facilement disponible et du coup, moins chère. Encore un critère qu’il faut savoir prendre en compte. On notera tout de même que l’on trouve en cherchant bien, du foin qui n’est plus comestible pour les animaux. Du foin qui a pris l’humidité, trop âgé, mal stocké, détérioré mais qui conviendra parfaitement au paillage. C’est la situation idéale avec des fermiers, des agriculteurs qui se séparent de ce foin gratuitement ou à petit prix.
Vous trouverez sinon, foin ou paille auprès de jardineries, pépinières, annonces sur des sites d’occasion sur internet.
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• Où trouver du paillage gratuit ?
Lequel de ces deux paillages désherbe le mieux ?
Mettre un paillage, c’est aussi la volonté de se protéger des herbes indésirables. En effet, sous une épaisse couche de matière organique, à l’abri de la lumière, les graines ne peuvent pas germer. Le jardinier s’économise cette lourde contrainte à constamment devoir désherber pour éviter un trop lourd envahissement de ces cultures. Ici intervient le point délicat du foin. Celui-ci contient bien souvent des graines qui ont été stockées au moment du fauchage. Parfois les herbes hautes sont montées en graines. Et le jardinier se retrouve à pailler avec un paillage qui répand des graines sur le sol.
Alors ici c’est quitte ou double ! Soit l’épaisseur de foin est fort conséquente et les graines ne pourront germer. Soit l’épaisseur manque de consistance et c’est le drame ! Des graines vont germer de toute part et vont traverser la faible épaisseur de paillage. Le jardinier qui pensait éviter une corvée de désherbage va voir cette corvée prendre une ampleur plus conséquente encore.
Il faudra donc, avec le foin, pailler conséquemment. Avec la paille, qui ne sont au final que des tiges, du carbone en grande partie, les graines seront absentes et la question ne se posera pas.
Perméabilité de ces deux paillages
Se pose aussi la question de la perméabilité.
Un paillage peu perméable laissera peu passer la lumière, le vent, mais aussi la pluie… Au contraire, il retiendra mieux l’humidité si vous paillez sur un sol humide. Sur ce point, le foin avec sa souplesse, son rapport carbone/azote plus bas, sera logiquement moins perméable. Il va laisser passer moins d’air, de lumière, de chaleur en été.
Mais il laissera passer aussi un peu moins d’eau. Il sera donc plus important encore de le déposer sur un sol humide parce qu’une faible pluie n’arrivera pas au sol, contrairement à la paille. Cette paille est plus rigide, avec moins de capacité absorbante et laissera plus facilement passer la pluie ou un arrosage. Quoi qu’il en soit, il est conseillé d’arroser sous paillage ou de laisser des trous aux endroits d’arrosage pour ne pas perdre des litres d’eau au mètre carré. Des tests montrent qu’un paillage peut retenir jusqu’à 5 à 6 litres d’eau sur un arrosoir de 10 litres. De l’eau qui n’ira pas aux racines, aux cultures.
Alors vous l’aurez compris, la paille est plus carbonée, plus durable, moins nourricière à court terme, plus facile à se procurer, moins chère, plus rigide et perméable.
Le foin, lui, est plus rapide à se décomposer, plus nourricier à court terme, moins facile à se procurer, moins rigide et donc moins perméable.
Selon vos critères (durabilité, coût, disponibilité, nourrir ses cultures, créer de l’humus…), vous pourrez ainsi préférer l’une ou l’autre de ces ressources. Et puis n’oublions pas que la nuance existe. Pourquoi pas un peu des deux ? Pourquoi pas d’autres matières encore comme de la tonte fraîche, du broyat (encore plus carboné que la paille s’il est composté de bois sec et grossier), du bois raméal fragmenté (BRF), des feuilles mortes ?
Et pourquoi pas aussi des apports plus compostés, des apports liquides, des purins, des engrais naturels, de l’urine… ? La diversité est si conséquente et offre souvent un cocktail magique de fertilité. Après tout, nous jardiniers, nous aimons avoir une assiette de repas souvent différente couleurs, saveurs, textures, goûts. Notre potager, nos cultures, doivent aussi savoir apprécier cette diversité.
Alors raisonnez vos paillages comme votre appétit, diversifiez ! Bonne saison.
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Bonjour, Merci pour toutes ces infos ! Étant allergique au foin, je vais plus partir sur de la paille, mais j’ai entendu parler de paillage au chanvre, qu’en pensez-vous ?
Si vous avez de la chance et que vous en avez pour pas cher, c’est top. Mais sinon, vraiment, cherchez du paillage gratuit c’est beaucoup mieux ! 🙂 Ou au moins pas cher. Le chanvre de jardinerie est très cher.
Merci pour ces infos précises. Personnellement Etant urbain ce n’est pas facile de récupérer de la paille ou du foin. Le peu que j’ai, je l’utilise avec parcimonie. Je paille d’avantage avec du BRF. J’essaie de le faire quand les arbres ou arbustes ont des feuilles ce qui devrait permettre d’avoir un bon équilibre carbone-azote