Lorsqu’on se lance dans les semis au potager, une question revient souvent : peut-on utiliser de la terre du jardin ou doit-on utiliser un terreau spécifique ? Ce choix peut grandement influencer sur la germination et la croissance des jeunes plants. Dans cet article, nous allons comparer ces deux options en détaillant leurs avantages, leurs inconvénients et les meilleures pratiques pour réussir vos semis.
Sommaire
Semer avec de la terre de jardin ?
C’est tentant de vouloir semer avec la terre du jardin. Elle est disponible en grande quantité juste sous nos pieds. Seulement, si aucun professionnel ne s’en sert pour faire ses semis, c’est qu’il y a de fortes raisons à ne pas l’utiliser. Voyons en détail les avantages qui permettent tout de même de l’envisager parfois comme solution à semer en contenant. Puis voyons les nombreux inconvénients qui doivent vous faire comprendre que tout n’est pas gagné d’avance…
Les avantages de la terre de jardin
Elle est gratuite, disponible immédiatement sans devoir acheter de lourds sacs de terreau. Par les temps qui courent, avec cette inflation galopante, avoir du gratuit pèse lourd sur la balance ! Mais attention, si c’est pour louper ses semis pour lesquels on a dû acheter des graines, et au final devoir racheter des graines, la gratuité a vite un coût… Cet avantage est donc à confirmer par une réussite des semis. Nous verrons tout à l’heure comment s’y prendre au mieux avec la terre. Autre avantage, les semis sont dès le départ dans un substrat identique à celui du potager. On facilite ainsi l’acclimatation des plants lorsqu’on les repique au potager. Enfin, sur l’aspect écologique, on évite une consommation de terreau souvent composé à base de tourbe. Cette ressource puisée dans les tourbières bouscule un environnement qu’il faudrait laisser idéalement intact. Plus on peut se passer de terreau, mieux c’est.
Les inconvénients de la terre
Elle a tendance à très vite se compacter lorsqu’elle est en contenant. La terre est faite pour rester en pleine terre en bénéficiant de tout un équilibre macro et microbiologique. Notamment via les vers de terre et autres macro-organismes qui aèrent et structurent le sol. Cette tendance à se compacter est plus marquée si votre terre est argileuse, contenant peu de sable. C’est alors une rétention en eau qui est vite délicate. Les arrosages en contenant passent sur les bords, s’écoulent sur le fond et finissent par sortir du godet. Les racines se retrouvent dans un contexte qui manque vite d’oxygène alors que l’aération du substrat est une condition première de réussite pour nos jeunes semis. Plus le substrat est léger, aéré, plus les taux de réussite, de germination, sont élevés.
Par exemple, ici avec une terre qui ne contient que très peu de sable, j’ai beau l’émietter à la mise en pot, en godet, elle se compacte en seulement 2 ou 3 jours. L’eau s’accumule en surface au moment de devoir arroser sauf à y aller très délicatement, par exemple au pulvérisateur. Alors qu’un terreau fait un effet éponge dix fois plus prononcé.
Autre contrainte majeure, la terre est lourde. Remplissez une barquette de terreau et de terre, comparez sur une balance et vous allez vite remarquer une différence du double de poids. Cela parce que la terre contient bien moins d’air, de vide que le terreau. Aussi parce que les matières organiques qui composent le terreau (compost végétal, écorces, tourbes, fibres…) sont plus légères, moins denses que les matières minérales (argile, limon, sable) qui composent la terre. C’est ainsi plus contraignant à transporter, à déplacer. Je peux vous dire que soulever une plaque alvéolée remplie de terre plutôt que de terreau n’est pas la même histoire. Mais surtout, ce manque d’air, de légèreté, fait que la rétention en eau est bien moins évidente. L’aération pour les racines, elle aussi, s’éloigne des conditions optimales. Au contraire, on peut vite générer une asphyxie des racines, générer des maladies et perdre en vigueur des plants.
Autre désavantage de taille, la terre n’est pas stérile au contraire d’un terreau. Elle peut contenir des graines indésirables, des virus, des germes, des champignons qu’on ne désire pas voir se répandre sur nos jeunes plants. Une barquette semée de graines de tomates peut vite être impossible à gérer si des dizaines de graines indésirables poussent dans le même temps. Sinon il vous faut réaliser ce que l’on appelle un faux semis. Vous mettez votre terre en barquette, vous humidifiez et vous patientez une semaine. Les graines indésirables vont germer. Vous arrachez tout et seulement ensuite vous semez vos graines.
Enfin, un inconvénient majeur pour les semis en alvéoles, en mini-mottes, la terre se désagrège vite sitôt qu’on la retire des contenants. Étant lourdes, compactes, les mottes peuvent vite casser, s’effriter avec des réseaux racinaires qui s’en trouvent endommagés. Alors que des mottes de terreau se tiennent bien mieux, étant plus légères avec un réseau racinaire mieux développé qui fait comme un filet en tous sens qui retient la terre en son intérieur.
Faire tout de même avec de la terre de jardin ?
Malgré tous ces inconvénients qui freinent les professionnels et beaucoup de jardiniers amateurs à l’utiliser, on peut se lancer à petite échelle dans des semis en contenant à l’aide de notre terre de potager. Pour cela, une légère préparation peut aider à bien réussir nos semis.
Déjà il est conseillé de tamiser la terre pour enlever les grossièretés, surtout pour des semis de petites graines qui donnent de minuscules plantules qui ne pourront pas germer sous des éléments grossiers. Alors ouste les petits morceaux de bois à la surface du sol, les trop gros cailloux… Cela permet au passage de bien émietter votre terre, l’aérer, l’oxygéner avant de mettre tout cela en contenant. Pour l’avoir fait, oui les grossièretés sont mises de côté. Mais c’est fou comme le tout se compacte très vite par la suite, même après un « brassage » initial.
Autre geste, mais peu évident, celui de passer votre terre au four pour éliminer d’éventuels pathogènes. Personnellement, je me passe de cette étape trop pénible logistiquement parlant. Sans parler de la dépense énergétique à passer sa terre au four alors que l’on fait cela pour se rapprocher d’une méthode gratuite et écologique. Mais il faut accepter le risque d’avoir des petits ravageurs dans la terre, des virus ou maladies qui pourraient endommager nos tout jeunes semis.
Enfin, vous pouvez « améliorer » votre terre en y additionnant quelques apports, mais vous vous éloignez d’une solution 100% gratuite. Vous pouvez par exemple rajouter une moitié de terreau pour une moitié de terre. Ou encore rajouter un peu de perlite, de vermiculite pour améliorer la rétention en eau, éviter une trop forte compaction. Cela reviendra toujours bien moins cher que d’acheter des sacs de terreau. Un seul petit sac de perlite vous fera plus qu’une saison entière.
Mon avis avec la terre de jardin
J’ai pu réaliser de nombreux essais avec la terre. C’est bien moins agréable d’y semer des graines en contenant qu’avec du terreau. On sent que le substrat est moins accueillant. Mais il fait parfois l’affaire. Notamment pour les grosses graines qui se moquent des petites graines indésirables. Courgette, courge, concombre, melon, pastèque, maïs, haricot, fèves, pois… toutes ces graines donnent des plants costauds, épais, qu’on peut nettement distinguer avec des graines indésirables qui germent. Ces plants peuvent aussi plus facilement s’adapter à un substrat moins idéal que celui apporté par un terreau.
Par contre, autant le semis en barquette, en godet, est possible, autant la terre ne peut pas s’envisager pour des semis en plaque alvéolée ou en mini-motte. Tout se délite au moment de « démouler » les alvéoles, les mottes. Oubliez.
Pour les petites graines, le contexte est un peu plus tendu. Néanmoins j’ai réussi sans souci un semis de tomates après avoir fait un faux semis pour éliminer les mauvaises herbes. Les plants ont bien germé. J’ai repiqué en godets remplis de terre et même constat, j’ai pu obtenir au final de beaux plants de tomates. Comme quoi, oui c’est parfaitement possible de tenter des semis avec de la terre.
Constat plus nuancé avec un semis d’oignon. Le taux de germination est bien deux fois moins bon qu’avec un même semis en barquette remplie de terreau.
Au final, oui on peut réussir avec la terre, mais il faut accepter des taux de germination parfois à la baisse et accepter de s’éloigner des conditions idéales de développement de nos semis. Si la motivation pécuniaire prend le dessus, en plus d’une motivation écologique, on peut envisager des semis avec de la terre. Notamment ceux en godet et en barquette, et plus encore avec des semis de grosses graines.
Semer avec du terreau
Le terreau est un substrat totalement différent de la terre. Pas ou très peu de sable, de limon, d’argile dans un sac de terreau. C’est avant tout de la matière organique compostée comme des composts de végétaux, d’écorces, de la tourbe, de la fibre de coco. C’est au final un substrat qui répond aux besoins premiers des jeunes semis, à savoir un substrat léger, aéré, rétenteur d’eau, stérile sans graines indésirables, sans ravageurs, sans maladies. Qui plus est, il est facile d’utilisation, prêt à l’emploi.
Des inconvénients tout de même
Le terreau a un coût et pas des moindres. C’est souvent plus d’une dizaine d’euros pour un sac de 50 à 70 litres. Certes, c’est une quantité qui permet de faire plus d’une centaine de plants en godet. Mais ce n’est pas gratuit comme la terre.
Autre inconvénient, l’impact écologique n’est pas nul avec notamment l’utilisation de tourbe venant de tourbières qui sont nécessaires pour notre environnement. Moins on les dérange, mieux c’est. C’est pourquoi l’utilisation de tourbes est déjà interdite dans de nombreux pays. Bien des producteurs de terreaux remplacent petit à petit cette matière par d’autres comme des composts d’écorces. Même si l’effet rétenteur d’eau, l’effet d’aération, n’est parfois pas à la hauteur de ceux apportés par la tourbe, cela reste tout de même bien meilleur que la terre.
Autre inconvénient, la qualité très variable des terreaux proposés dans le commerce. Cela peut aller d’un vulgaire tas de grossiers morceaux de bois à un beau terreau bien fin, riche, meuble, parfaitement adapté aux semis. Je vous conseille, pour éviter toute déconvenue, de prendre le temps de lire les informations au dos des sacs de terreau. Jetez un œil au taux de matière organique. Celui-ci indique la finesse du terreau. Plus le taux est élevé, plus le terreau est fin. Celui que j’utilise est à 70% de matière organique. C’est parfait ! Autre indication, le taux de rétention en eau. Lui aussi doit être élevé pour retenir et valoriser la moindre goutte d’eau apportée lors de vos arrosages. Parce qu’un arrosage qui passe au travers du terreau lessive avec lui les minéraux, la richesse du terreau. Il faut que l’eau soit stockée, que le terreau fasse éponge. Mon terreau a un taux de 80% de rétention. Là aussi, c’est parfait !
Mon avis avec le terreau
Étant passionné à la folie pour semer en contenant tout au long du printemps, à l’abri du froid, des ravageurs, des maladies, j’utilise le terreau pour la grande majorité de mes semis. Je suis conscient que le choix n’est pas le meilleur sur l’aspect écologique. Mais d’un autre côté, c’est pour produire au mieux de la nourriture localement. C’est aussi un coût, mais là aussi, pour produire au final de la nourriture que je n’ai pas à acheter. Sans compter que le potager est tout simplement une passion et qui n’aurait pas le droit de dépenser quelques sous pour sa passion ? Cela ne m’empêche pas de parfois mélanger le terreau à de la terre. Pour les grosses graines, pour des rempotages en gros pot… cela permet de modérer son utilisation.
Concernant le choix du terreau, je me tourne vers une coopérative agricole qui ne propose que des terreaux de qualité. J’opte pour le terreau Potgrond spécial motte bio. Il est meuble, fin, aéré, enrichi d’un bel engrais organique. Il me sert pour les semis comme pour les rempotages. Vous pouvez trouver de très bons terreux en jardinerie, prenez simplement le temps de lire le dos des sacs. Idéalement, prenez le avec un engrais incorporé pour avoir de beaux plants robustes et vigoureux.
Du terreau fait maison
Plutôt que de vouloir utiliser sa terre pour éviter d’acheter du terreau, on peut aussi envisager de fabriquer du terreau fait maison. Mais attention, ce n’est pas si évident. Vous pouvez utiliser du compost maison. Mais faut-il en avoir en grande quantité et sans trop de graines indésirables. On peut par exemple faire du terreau de feuilles mortes.
Je me souviens vouloir utiliser du compost ainsi, pour semer ou rempoter. Mais bonjour les graines indésirables parce que mon compost n’était pas suffisamment monté en température. Alors oui pour le compost comme terreau, mais soyons conscient que ce n’est pas à la portée de tous et que ce n’est pas une solution idéale, non stérile.
On peut aussi mélanger du sable à sa terre, en profiter pour ajouter un peu de perlite, de fibre de coco. Mais l’aspect gratuit disparait vite… Qui a du sable sous la main, de la perlite, de la fibre de coco ? Et ici aussi, nous ne retrouverons pas, quoi qu’il en soit, les conditions idéales apportées par un terreau. Mais on s’en rapproche.
Conclusion : que choisir pour ses semis ?
Le choix entre terre et terreau dépend de vos objectifs et de vos contraintes. Pour les jardiniers qui privilégient la simplicité et la fiabilité, le résultat, le terreau reste de loin la meilleure option. Pour ceux qui aiment expérimenter ou cherchent une solution plus écologique et économique, la terre du jardin, brute ou améliorée, peut être de bonne alternative. Reste à aspecter des risques de maladies, de graines indésirables, de compaction plus élevée, de rétention en eau moins évidente, de poids plus conséquent pour les contenants.
L’essentiel est aussi de bien observer ses semis, leur porter attention, veiller sur eux, leur apporter une bonne humidité, une température clémente. Parce qu’un semis en terreau sans attention n’aura pas plus de chance de réussir qu’un semis en terre pour lequel on veille jour après jour.
Alors terre ou terreau, ou peut-être un peu des deux, à vous de choisir en toute connaissance de cause !
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